Pour accompagner la sortie du film « N’ayez pas peur ! », il a également été demandé à l’association Handidactique de réaliser un livre retraçant le tournage. Cet ouvrage sera édité à environ mille exemplaires. Sa conception a été confiée à Sébastien Courivaud pour les photographies et Adrien Jousserandot pour les textes.
« C’est bien difficile de comprendre les autres, surtout quand on ne les intéresse pas.
C’est bien difficile d’accepter d’être regardé comme une bête curieuse parce qu’on est différent.
C’est bien difficile de se voir refuser des accès, simplement parce que l’on fait peur ou, pire encore, parce que l’on gêne et qu’il vaudrait mieux que l’on ne soit pas là.
Construire une société accueillante et accompagnante de la différence est certainement difficile lorsqu’on s’est habitué pendant si longtemps à faire des différences des mondes à part et à les rejeter parce que l’on ne veut pas les voir. Tout le monde est concerné et je crois même nécessaire de dire que tous « les mondes » le sont. Les multiples cultures nous montrent beaucoup de différences, et c’est tant mieux.
Si la société est faite d’une immense richesse, c’est grâce à sa diversité, c’est grâce à notre obligation quotidienne de nous adapter à l’autre, qu’il soit voisin, collègue, client, marchand ou encore patient mais si nous choisissons la facilité, nous nous enfermons avec ceux que nous considérons comme nos semblables et nous tombons alors dans la spirale infernale d’exclure les autres de plus en plus afin d’être dérangés le moins possible.
Ce comportement est malheureusement lié directement à notre histoire, à nos erreurs, à notre manque de courage et d’inventivité pour nous montrer accueillants et nous intéresser à la personne qui vit juste à côté de nous. Ce manque de partage se rencontre fréquemment dans notre société et, au-delà des personnes qui nous font peur, il concerne toutes celles qui sont différentes. S’ouvrir à l’autre et l’accepter tel qu’il est, représente pourtant un véritable sourire adressé à la vie. Connaître et apprendre est une richesse et la possibilité de se reconnaître dans l’autre est une chance et un bonheur.
Le film « N’ayez pas peur ! » tente de montrer que nous sommes conditionnés par des préjugés qui nous font voir la différence avant la ressemblance mais qu’il suffit pourtant de peu de choses pour changer notre regard ainsi que la vie partagée avec les autres mêmes s’ils sont très différents. Les images, les témoignages et les scènes de vie présentés dans le film nous prouvent l’absurdité de certains de nos réflexes directement conditionnés par nos préjugés et qui se sont transformés le plus souvent en une peur qui dégrade ou même détruit nos rapports avec autrui.
Chaque journée de tournage a été pour nous l’occasion de chercher à rencontrer la vérité et de capter la dignité des personnes qui se battent au quotidien pour prendre dans la société leurs places de citoyens à part entière. Nous avons rencontré des personnes qui souffraient de ne pas comprendre leurs peurs et leurs préjugés mais qui, grâce à la rencontre de la différence, ont découvert la formidable richesse d’avoir fait l’effort de connaître l’autre et de s’y intéresser.
Je suis convaincu que la réussite de cet enjeu sociétal passe par trois valeurs fondamentales.
La première est la sensibilisation de la société à la nécessité d’accueillir toutes les autonomies, aussi petites soient-elles.
Cela passe obligatoirement par la présence de personnes handicapées dans tous les lieux de vie, au premier rang desquels se trouve l’école, base indispensable d’une vie commune avec la différence. En parallèle de l’école, il est important que les medias se saisissent de la mission qui est la leur de sensibiliser le grand public à la richesse humaine et sociale que représente le simple fait de s’ouvrir à la différence. Par le biais de l’information, de l’expression de la vérité qu’ils véhiculeront, ils concourront eux aussi à la sensibilisation et à la motivation ; deux premières étapes qui permettront de faire tomber les peurs du handicap et ses préjugés. Il s’agira des premières pierres apportées à l’édifice d’une société accompagnante.
La seconde valeur est la bonne conduite de la société qui naît le plus souvent de l’éducation et de l’exemplarité.
Éduquer à accueillir la différence permettra que l’accompagnement dépasse la dimension professionnelle pour devenir l’accueil de tous. L’école est déjà en train d’enseigner ce regard nouveau qui nous ouvre à la diversité. La différence commence enfin à être reconnue comme une richesse de toute la société.
Enfin, la volonté politique depuis le niveau national jusqu’au bassin de vie local doit permettre de construire une place à part entière pour les personnes handicapées et pour toutes les différences car il est très difficile pour une communauté de participer à l’effort d’accueil et d’accompagnement si les premières structures de l’État que sont les communes ne sont pas mobilisées et responsabilisées sur ce sujet. Trop souvent, la commune ne se sent pas concernée par le handicap. Il faut donc revenir à un Etat citoyen dans lequel les élus ne doivent pas oublier de construire l’accompagnement de tous.
« Ta peur me fait peur » disait un jeune garçon IMC (Infirme moteur cérébrale) à son médecin à l’hôpital Robert Debré. Cela montre bien que nous souffrons tous de découvrir la différence lorsqu’on n’a pas eu l’occasion de la découvrir avant d’y être confronté brutalement dans la vie, dans son métier, dans la rue.
La présence de personnes handicapées dans tous les lieux de vie de la société est une opportunité à saisir pour ne pas devenir nous-mêmes des victimes puis des créateurs de préjugés qui deviendront rapidement des peurs et installeront la méfiance entre les hommes.
La personne handicapée peut ainsi devenir un éclaireur de notre société pour construire une communauté qui donne sa vraie place à chacun. Se fermer à la différence ne peut que détruire l’harmonie de notre communauté et l’appauvrir en la privant des infinies richesses de la diversité. »
Handidactique - Tous droits révervés